jeudi 13 juin dès 16h
À 19h, performance de Asteroïd &A : soin sonore, gong et bols de cristal.
Voyage au pays de la mort, dans les entrailles d’une terre humide et chaude, entre le feu et l’éther, entre Stone Age et New Age. Bienvenue dans le sanctuaire de Fabien Clerc, à la croisée du néolithique, du jardin zen et du spirit forgé à la barre d’éclairage d’un dancefloor incandescent où, bien sûr, on est prié d’enlever ses chaussures avant d’entrer.
Chacun trouvera son chemin dans un parcours fait de monolithes brutalement illuminés comme un arc-en-ciel qui botte les fesses à la grande faucheuse. On n’en attendait pas moins du céramiste qui a pour habitude dans son travail de s’amuser sérieusement avec l’au-delà.
Bienvenue à STONE AGE NEW AGE, dispositif directement inspiré du cimetière Okunoin (japonais : 奥之院) site sacré situé sur le mont Kōya au sud d’Osaka. Le hasard, comme s’il existait, conduit l’artiste à s’y promener alors qu’il est en résidence dans l’un des sept épicentres de la céramique contemporaine au Japon, Shigaraki, célèbre village et centre culturel peuplé de fours traditionnels niché au cœur des montagnes luxuriantes de la préfecture de Shiga, non loin de Kyoto.
Dans un geste immersif, Fabien Clerc — qu’on imagine volontiers jubiler au milieu des cent mille tombes et monuments commémoratifs qui composent ce qui est considéré comme le plus grand cimetière du Japon — nous invite à nous ressourcer au moyen d’un dispositif de réenchantement de la mort. Formellement, les stèles qui composent l’installation sont inspirées des gorinto (type japonais de pagode bouddhiste utilisé à des fins funéraires). Les pièces sont assemblées de manière aléatoire pour composer une sorte de parcours ludique (qui a dit qu’on ne plaisantait pas avec la mort ?) fait des cinq éléments : l’eau, la terre, l’air, le feu…mais aussi le vide (ou l’espace selon notre interprétation) comme la culture japonaise se plaît à nous le rappeler.
Cette nouvelle série de sculptures du céramiste se situe en toute logique dans la continuité d’un travail qui ne cesse de flirter agilement avec le sombre, le féroce et le monde des divinités obscures. Personne n’en sort indemne. Mais STONE AGE NEW AGE constitue aussi une rupture dans le parcours de l’artiste qui risque un travail plus intuitif et spontané, guidé par une démarche qu’on ose qualifier de néo brutaliste luminescent. Le rendu est volontairement aléatoire, et guidé par une démarche qui vise à l’équilibre entre structure géométrique et textures organiques qui tire son essence dans le monde suranné du sucre glace et des licornes couleur pastel.
Le traitement de surface est le résultat d’un processus de ligaturage où s’entremêlent plastiques et polymères. Un geste qui pointe notre manie contemporaine du suremballage et de la consommation excessive. Le tout forme des surfaces paysages dont la douceur apparente contraste avec ses reliefs torturés. Elles renvoient dans un même mouvement à la silhouette d’un mont Fuji où la glace ne cesse de fondre, et les roches de s’effriter. On ferait bien de même avec nos angoisses « anthroposcéniques » …, les laisser fondre au soleil. À défaut Fabien Clerc nous invite à les suspendre le temps d’une visite entre Stone Age et New Age où l’on préfère mourir… de plaisir.
L’ensemble est placé non sans malice sous le regard rusé et bienveillant d’un Tanuki (chien viverrin), statuettes emblématiques de Shigaraki largement diffusées dans la culture populaire japonaise. Conçu pour Halle Nord au retour du Japon, l’adorable mi-raton laveur mi-bouddha lévite en toute bonhomie et nous transperce de ses pouvoirs magiques depuis son ventre rebondi. Celui-là, on l’emporterait bien avec nous dans l’au-delà !
Raphaël Pieroni
Avec le soutien de la Ville de Genève, une fondation genevoise, association d’amitié Genève-Shinagawa (AAGS), House of the TMF.
du mardi au samedi, 14h-18h