Jeudi 29 mars, 18h
Jérémy Chevalier
Chaosphonies
Concert à 19h lors du vernissage du jeudi 29 mars
Avec le soutien de la Ville de Genève
L’attention portée au décalage et la volonté de mettre celui-ci en exergue ; telles sont certainement les origines des nombreuses tentatives de Jérémy Chevalier qui - pour notre plus grande satisfaction - deviendront des pièces de son travail à la frontière entre les arts plastiques et scéniques. C’est ainsi que - dans la lignée d’un Walter Benjamin qui, en son temps évoquait, on ne le sait que trop, l’aura de l’œuvre d’art - Jérémy Chevalier adresse de façon plus contemporaine la question de l’aura de l’artiste et l’importance de sa présence physique, au-delà de son œuvre.
Avec autodérision, intelligence et humour, il nous parle d’une histoire étendue de l’art dans laquelle seraient convoqués différents supports et techniques, les empêchant de tomber dans l’obsolescence puis finir en ruine ou en déchet. Des vinyles sont moulés en béton puis lus lors de performances (« Concrete music », 2013), des carnets pareillement en béton et presque illisibles – eux – révèlent un enfoncement post-manuscrit de la pointe du stylo à leur surface. Enfin, des boules de papier figées dans ce même matériau brut deviennent sculptures avant de sombrer dans la chaîne actuelle du recyclage (« Books and paper balls », 2016-2017). Dans une récente performance - « Histoire d’un enregistrement », 2017 - un mannequin à l’image de Jérémy, muni d’un haut-parleur, venait finalement se substituer complètement à lui sur scène pour "réciter" un texte enregistré.
Avec « Scratched » en 2014, il se mettait en spectacle de façon évidemment exagérée. Éclairages, feux d’artifices et fumigènes à l’appui, il répétait inlassablement à la guitare 2-3 notes de musique reprisent d’un disque rayé laissant son auditoire aussi dubitatif qu’un mélomane devant ce support musical abimé.
Pour cette exposition à Halle Nord, l’artiste semble vouloir interroger – avec une certaine poétique de l’absurde – l’idée de sacralisation. On retrouve les moulages cimentés cherchant à retenir, cette fois, l’impermanence de l’affichage de rue posé à la sauvette et – par extension peut-être – l’événement y étant lié. L’aspect éphémère est effacé pour laisser apparaître la mémoire d’une manifestation. Se jouant d’une esthétique du bricolage, Jérémy viendra performer le soir du vernissage doté d’une machine qui se veut spectaculaire. La volonté de se représenter s’avère être poussée à son paroxysme grâce à un objet quasi sculptural faisant office d’orchestre et qui, seul, se suffirait à lui-même grâce à une fonction chaotique aléatoire si l’artiste décidait de ne pas performer avec.
De façon éminemment touchante et dans une volonté de rendre la valeur de l’événement – quel qu’il soit – Jérémy Chevalier invite en définitive le regardeur à voir et non à consommer.
Sonia Chanel
mardi - samedi : 14h / 18h