Capsule 2.78
Laurie Jo Reynolds
« Space Ghost», 2007
25’, sonore
« Je pensais essayer de faire un parallèle entre l'espace et la prison », explique au téléphone la voix de Laurie Jo Reynolds à son frère incarcéré. C’est cette comparaison entre l’expérience et la construction médiatique des prisonniers et des astronautes qu’élabore Space Ghost, non sans un humour mordant et une grande acuité critique.
Les enregistrements de conversations téléphoniques entre l’artiste et son frère sont agencés avec des extraits de programmes télévisuels et d’autres images tournées par Reynolds. Grâce au montage, le public ébahi, tournant son regard vers le ciel, n’observe plus une fusée décoller, mais l’austère bâtiment d’une prison. On comprend alors que si astronautes et prisonniers partagent des expériences similaires – isolement prolongé dans un espace restreint, éloignement des proches, mouvements et consommation limités –, ils bénéficient d’un traitement opposé : là où les uns sont célébrés comme héroïques, les autres sont invisibilisés, ou dépeints comme violents et effectivement condamnables. Space Ghost montre au contraire la violence de l’institution carcérale, où l’isolement et l’ennui règnent selon le frère de la vidéaste.
L’engagement de Reynolds dans la critique du système carcéral dépasse ce film puisqu’elle a notamment organisé une campagne populaire de plusieurs années ayant abouti à la fermeture en 2013 d’une prison dans l’Illinois qui imposait à ses détenus un isolement total.
La programmation vidéo 2022 de la capsule 2 a été confiée à Faye Corthésy. Chercheuse en histoire du cinéma, Faye Corthésy termine une thèse de doctorat sur les enjeux de la circulation des films du cinéma expérimental américain en Europe et en Amérique du Sud dans les années 1960. Ses prochaines recherches portent sur les liens entre prison et cinéma. Elle enseigne à l’Université de Lausanne et à la HEAD de Genève et travaille ponctuellement comme programmatrice.
Visible 24/7 depuis le passage des Halles de l'île