mercredi 6 septembre dès 18h
Un cheval sans queue ni larmes, 2023
Le clown Bobby vit dans un cirque abandonné. Il essaie dans la plus grande solitude de maintenir le cirque en activité. Ce nostalgique personnage partage la scène avec un ménestrel, un agent immobilier, qui tout à sa cupidité essaie de générer du bénéfice avec le cirque et une princesse au petit pois. Voici en quelques lignes l’histoire du spectacle intitulé Un pied dans la merde, l’autre dans les étoiles, que Marlène Charpentié prépare pour cet hiver au Théâtre de l’Usine et dont cette exposition en forme de capsule constitue, par anticipation, un écho. Ce grand cheval cabré, en papier journal brut, qui évoque les carrousels et l’univers du cirque, fera partie des props du spectacle. Ici, son volume n’est qu’à moitié constitué, comme un bas-relief flottant, exhibant son statut de décor, ou comme un moulage en attente de finition. Des fleurs animées rappellent les parures des manèges, et complètent la scène. On retrouve dans cette œuvre le plaisir de la surcharge, la modestie des matériaux, le soin pour la production des objets, et l’importance accordée à l’imaginaire et au retour à l’enfance, autant d’éléments qui caractérisent la pratique sculpturale de l’artiste. À la figure du clown effrayant, pervers, glaçant qui hante les slashers (et les peintures de Bernard Buffet), Marlène Charpentié préfère celle, pleinement positive, du bouffon et de l’amuseur, et choisit le parti de la libre rêverie.
On pourra cependant être surpris de la relative austérité visuelle de cette proposition. Exit les copieux volumes réalisés ces dernières années, une tomate géante ou un soulier-colosse de papier et de satin, entouré de rideaux à gros pois, qui constituait la pièce maîtresse de Tales for a clown, présenté l’hiver dernier à Zabriskie Point. Ici, le cheval est simple, sa finition brute. Or Marlène Charpentié est plutôt coutumière de la démesure et des couleurs flashy quant à son atelier, il est peuplé de sculptures baroques aux couleurs puissantes rose fuschia, bleu, ou vert pomme.
Une hypothèse : ce léger pas de côté visuel ne serait-il pas l’équivalent d’un changement de costume ? un refus d’être assignée à une esthétique unique ? Ce qui nous ramène à la question : un artiste peut-il changer de style comme de chemise, de costume, d’ornement ? Certains, comme John Armleder, ont fait d’un éclectisme radical leur marque de fabrique. Quand dans son spectacle, donc, l’artiste change d’une scène à l’autre de costume, elle joue différents rôles. De même, s’autorise-t-elle dans sa pratique à circuler avec fluidité entre les mediums, des arts visuels au théâtre, de la performance à la sculpture. Le burlesque, le clownesque, et le drag, que pratique aussi Marlène Charpentié, sont autant de manières se détacher des identités normées.
Extrait du texte de Jill Gasparina, 2023
Capsules visibles 24h/24h depuis le passage des Halles de l’île