mardi 22 février entre 16h et 20h
Mûrs et imprimés
avec Peggy Adam, Ibn Al Rabin, Alex Baladi, Joseph Callioni, Thomas Gosselin, Juliette Mancini, Frederik Peeters, Isabelle Pralong, Nicolas Presl, Helge Reumann, Tom Tirabosco, Pierre Wazem et Ben Chevallier.
— Atrabile n. f. (lat. atra bilis, bile noire) :
Fluide considéré dans la médecine antique et sa théorie des humeurscomme étant la cause de la mélancolie. Née en 1997, fête ses 25 ans à Halle Nord.
Aujourd’hui reconnue à l’international, il faut rappeler que, du haut de ses 25 ans, Atrabile est d’abord une enfant du pays. Née à Genève en 1997, alors que la culture alternative battait son plein, offrant de nombreux espaces d’exposition autogérés propices aux expérimentations et aux prises de risque, Atrabile cherche à donner vie aux dessinateurs d’ici.
Moyens modestes obligent, ce seront d’abord des fanzines pour relever l’inventivité du dessin séquentiel qui se pratique ici, puis une première publication de bande dessinée, une revue (Bile noire) et encore un livre. Les débuts prennent forme ainsi. Avec ce nom atrabile relevant de la médecine antique, désignant un fluide froid causant la mélancolie, traditionnellement considérée comme cause de souffrance et de folie, mais surtout comme l’expression du tempérament des génies et des héros.
Et l’histoire continue. Benoît Chevallier et Daniel Pellegrino développent un catalogue en 25 ans avec plus de 200 titres de quelque 70 auteurs, décrochent des prix – par le biais de leurs dessinateurs – dont 4 à Angoulême (festival international de la bande dessinée) et à Genève – prix Töpffer, prix BD Zoom. La petite maison d’édition traverse au fil des ans la crise du livre qui a déjà commencé bien avant la pandémie et privilégie en conséquence contre vents et marées la qualité à la quantité dans un marché du livre aujourd’hui terriblement saturé. Car, non, ce ne fut pas un quart de siècle sans écueils. Mais qu’importe. Le projet a su rebondir.
Depuis toujours, c’est dans une palette de couleurs électriques que les couvertures des romans graphiques d’Atrabile habillent les narrations produites par des auteures – auxquelles la maison a toujours été attentive – et des auteurs. Ses livres-objets conçus désormais sur les hauteurs de Saint-Jean mettent délibérément le contenu en adéquation avec la forme – ainsi le format, le grammage et la teinte des feuilles, la manière dont la main se saisit du volume sont de réelles préoccupations. Bref, en amoureuse du papier et du toucher, Atrabile tient au rapport physique qui existe avec les pages, l’écriture, le dessin, et le lecteur.
En première fan des artistes qu’elle promeut, Atrabile veille à faire entrer dans son catalogue des univers détonants produits également à l’étranger – Allemagne, Belgique, Canada, Chine, Corée, France, Espagne, États-Unis, Italie, Japon, Norvège, Hong Kong –, qui, en retour, permettent de faire circuler les noms d’ici dans le vaste ailleurs planétaire. Appel d’air entre pratiques monacales valorisant encore et encore le trait, la ligne, la séquence, le livre, l’objet comme une forme de résistance à la numérisation du monde actuel. Valorisation de styles et de genres singuliers arrivés sans commande aucune dans les mains d’Atrabile qui sélectionne ce qui fait sens à ses yeux.
2022 vivra peut-être la sortie de la crise sanitaire, mais pour l’heure, il est question de marquer l’anniversaire de ses 25 ans avec celles et ceux qui font partie de la maison. Car comme dans une vie passée ensemble, les relations entre auteurs et éditeurs se construisent dans la durée, se fondent sur des valeurs telles que la créativité, l’inventivité, le respect et la fidélité. Tout le monde évolue ensemble. La plupart d’entre eux surfent entre les domaines de la bande dessinée et de l’art contemporain – Peggy Adam, Alex Baladi, Helge Reumann –, une porosité dont rend compte cette exposition. Ainsi, les papiers peints produits par douze artistes du vivier atrabilaire sont autant de prouesses techniques que d’exploits narratifs sortis de la case traditionnelle de la bande dessinée. Ils tapissent les murs de l’exposition comme on rendrait un intérieur cosy, rappelant ainsi qu’à l’instar d’une grande famille, ils et elles appartiennent à une même maison, une maison d’édition.
Karine Tissot
En parallèle, les éditions Atrabile seront présentées à la Galerie Papier Gras du 23 janvier au 20 février 2022.
mardi - samedi 14h/18h